Mardi 15 octobre
Abadín - Vilalba
Il nous reste 120 km au compteur et cinq étapes !
Aujourd'hui, le ciel nous joue 50 nuances de Grey. Notre étape de 20 km a été tranquille puisque plate. Les campagnes traversées sont très belles mais le seraient plus encore si elles étaient éclairées par le soleil.
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Petit dénivelé mais bonne moyenne : 4,77 km/h arrêts compris... |
Depuis quelques jours les sentiers sont bordés de murs faits de dalles de pierre juxtaposées.
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De fines dalles de pierre juxtaposées. |
Nous n'avons traversé aucun village ce qui a rendu la balade un peu monotone. Par contre, nous avons croisé, rattrapé ou nous sommes fait rattraper par de nombreux pèlerins.
Nous sentons que Santiago est proche et beaucoup de visages inconnus convergent vers notre destination.
Entre autres une femme américaine prénommée Catherin avec laquelle nous avons cheminé une petite heure. Puis, la conversation a pris un tour qui nous a fait retrouver le rythme habituel de notre marche afin de reprendre notre indépendance...
Après les petites questions d'usage qui nous apprîmes que Catherin était originaire de Caroline du Nord, et qu'elle était gestionnaire de patrimoine ou quelque chose comme ça, Daniel et moi, toujours curieux des modes de vie des autres pèlerins, fîmes glisser la conversation sur les thèmes économiques et politiques américains.
Et là, malgré notre argumentation en faveur des politiques publiques solidaires que nous essayons de défendre dans notre pauvre France, nous avons été soumis jusqu'à la nausée à une déferlante d'arguties ultra libérales qui nous dessinait une Amérique caricaturale.
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Le petit pont de bois qu'on traversait naguère... |
Catherin n'essayait même pas de nous convaincre, elle balançait ses certitudes comme un bûcheron sa cognée sur nos quatre oreilles incrédules et rebattues...
Nous marchions au côté d'une égérie de l'American Dream.
Une grande prêtresse du "Quand on veut on peut".
Terrifiés, nous n'avons même pas essayé de lui faire entendre que certains américains "voulaient bien mais ne pouvaient pas" et que ceux-là aussi avaient les mêmes droits que les autres à une solidarité nationale... Pour elle, le monde américain était divisé en deux parties : ceux qui voulaient travailler et les glandeurs le plus souvent drogués ou gangsters. Nous n'avons pas non plus essayé de lui expliquer que si les USA possédaient autant de drogue, de gangsters, et d'adeptes des armes, c'était peut-être une conséquence de ce système ultralibéral. Quand "on ne peut pas" et que toute votre société vous culpabilise en stigmatisant vos "incapacités" vous vous débrouillez pour survivre... dealer, braquer, tricher etc...
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Non, vous ne rêvez pas, je porte un bonnet de laine. |
Bref, nous avons continué notre chemin en laissant Catherine avec ses illusions de rêve américain et sa peur au ventre.
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Gégé et sa poêlée de légumes "fait maison" |
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Daniel et ses pâtes bolognaise de même... |
Demain nous allons à Baamonde. Même type d'étape que celle d'aujourd'hui. Pas de grandes difficultés.
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La routine... |
Nous savons déjà quand et comment nous allons revenir à La Rochelle, mais ça c'est une autre histoire...
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Lundi 14 octobre
Vilanova de Lourenzá - Abadín
Il nous reste 140 km au compteur. L'étape d'aujourd'hui proposait deux chemins : un qui passait par un col situé au-delà de 700 mètres d'altitude et un autre aux ambitions plus modestes mais qui rallongeait l'addition de 3,5 km.
Daniel et moi, n'étant pas des forcenés de la grimpette, avons choisi la solution longue.
Nous étions bien partis ce matin pour une marche sans pluie.
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Démarrer de nuit sur un petit sentier pierreux et très abrupt présente quelques risques de faux pas. |
Mais une heure et demi après notre départ le ciel nous a donné des signes de très mauvaise volonté.
Nous avons donc enfilé les capotes de sacs et les ponchos. Et la situation n'a fait qu'empirer avec quelques petites pauses pendant lesquels nous retirions nos ponchos l'espoir au cœur.
Mais Dame Nature nous rappelait très vite à la raison en nous gratifiant de quelques insidieuses gouttes d'eau du ciel.
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Belle montée ! |
Au début de notre chemin "complementario" nous avons rencontré une jeune femme, Anne, et sa chienne que nous avions croisées sur le passeur qui nous a emmené à Santander. À l'époque, elle nous avait parlé de la difficulté que représentait la compagnie d'un jeune chien pour une pèlerine, d'abord en termes de docilité de l'animal, et également en termes de recherche d'hébergements.
Arrivée à ce point de son chemin, Anne souffrait visiblement de ne pas avoir pu transmettre à son animal les règles élémentaires d'accompagnement pendant la marche : suivre sa maîtresse à son pas, ne pas se dépenser trop pour adapter son effort à la longueur du chemin, et ne pas s'égayer trop dans la nature dès qu'une sollicitation apparaît. Notre présence a, curieusement, un peu modéré le caractère désordonné de cette petite femelle husky nommée Ida, ce qui a un peu relâché la pression qu'elle exerçait sur sa maîtresse.
Nous avons donc accompagné ce duo jusqu'à notre destination ce qui nous a permis d'échanger quelques mots sur nos vies respectives avec notre compagne de chemin qui semblait soulagée et contente de partager ce petit bout de l'aventure avec deux français, car elle maîtrisait très bien la langue depuis toute petite, ayant passé ses vacances en Bretagne. Deux ou trois heures de conversation lui donnait le plaisir de pratiquer la langue.
En plus des difficultés que lui créait la personnalité de son animal, chaque jour posait le problème d'un hébergement acceptant les chiens. Bref, le chemin d'Anne et de Ida n'était pas pavé que de bonnes surprises !
Je dois lui envoyer l'adresse du blog (à sa demande).
Notre petite troupe a fini son étape sous des trombes d'eau. À peine une demi-heure avant d'arriver, le ciel nous a fait un beau cadeau : celui de notre première vraie saucée depuis notre départ du 28 août.
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Anne, Ida et daniel sous le déluge. |
Depuis 5 ou 6 jours, nous croisons des fermes qui possèdent dans leur cour une forme particulière d'hórreos. Très étroits, très en hauteur, parfois utilisés comme des porches à l'entrée des cours de ferme, si différents de ceux que nous avons rencontrés aux Asturies que j'ai ressenti le besoin d'interroger une fermière qui m'a bien confirmé que ces constructions, s'appelaient aussi des hórreos et qu'elles n'étaient pas des greniers mais plutôt des séchoirs. D'ailleurs, un peu plus loin, nous en avons vu un ouvert avec des fusées de maïs entassées dedans. Voir >>> ICI
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Un horreos qui sert de porche... Ça ne fait pas plus d'un mètre de large ! |
Mon tour operator préféré a encore sévi. Il nous a trouvé un hébergement, que j'en suis resté baba, que j'en reviens toujours pas...
Grand, propre, luxueux avec un taulier transpirant l'empathie, nous sommes comme des coqs en pâte dans cet établissement visiblement pensé pour l'accueil des pèlerins. Et, cerise sur le gâteau, le chauffage a été allumé. Il fait 11 degrés dehors en pleine après- midi, on s'aperçoit du passage du climat océanique au climat continental et de l'altitude de moyenne montagne que nous venons d'atteindre.
Ce soir, nous avons décidé de faire notre repas nous-même car la cuisine est du même tabac que le reste de la structure : super équipée !
De plus, la supérette est mitoyenne avec l'auberge.
En plus de nos bolognaise, charcuterie et fromage habituels, nous nous faisons une petite poêlée de légumes.
Demain nous allons à Villalba. Petite étape plate ça reposera nos tendons d'Achille.
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Fastoche ! |
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Dimanche 13 octobre
Ribadeo - Vilanova de Lourenzá
Aujourd'hui nous commençons le compte à rebours. Plus que quelques jours avant notre arrivée à Santiago. La météo n'était pas bonne mais le chemin a été clément. Nous avons essuyé une petite pluie d'un quart d'heure et quelques changements de vêtements : capote et pelerines. Quant au dénivelé, il était certes effectif mais très bien réparti et nous n'avons pas souffert de montées trop abruptes ou trop longue. Par contre, nous nous attendions à quitter la civilisation et pour ça nous avons été servis. Plus d'autoroute, moins de route, beaucoup moins de village.
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Hier soir dans un bar à cocktail, nous fêtions notre dernier jour sur la côte. |
Sur 30 km de marche, un seul village traversé : Gondran sans un commerce avec une albergue pour peregrinos fermée et sa proche banlieue : San Xustos avec une albergue ouverte et un bar restaurant.
Nous sommes arrivés à San Xustos vers 12h45, pile-poil à l'heure où l'on a très envie de regarder ce qui se passe à l'intérieur des restaurants et des débits de boissons. Au départ c'était pour prendre deux Coca-Cola et repartir aussi sec. Mais c'est sans tenir compte de ce que nous allions découvrir. Rural comme tous les petits bars ruraux c'est-à-dire petit, rassemblant les quatre ou cinq poivrots du village, un petit poêle à bois dans un coin et un comptoir assez petit derrière lequel s'agitait une tavernière jeune, large et rougeaude.
Nous commandons nos Cocas et commençons à les siroter quand soudain, nous voyons arriver une matrone (la mère ou la belle mère de la précédente) portant deux assiettes et sur celles-ci de magnifiques sandwiches faits maison.
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Dernier regard sur la Ria de Ribadeo, vue de la campagne. |
Ni une ni deux Daniel et moi commandons deux sandwiches au fromage et à la longe de porc.
Mais c'était sans compter les deux bocadillos que nous a servis notre hôtesse par souci de bienvenue. Il s'agissait de deux ramequins plein de callos à la gallega. Les callos à la gallega étant les tripes cuisinées à l'asturienne ou à la galicienne avec des pois chiches ; un vrai délice !
Arrivèrent nos deux sandwichs qui ne nous ont pas fait pâlir pour autant. Ils débordaient de tous côtés de tranches de longe de porc qui venaient d'être poêlées.
Nous avons donc passé une bonne demi-heure dans cet endroit de rêve. J'ai oublié de dire que d'autres pèlerins profitaient avec nous de l'hospitalité du lieu.
Il nous restait encore une dizaine de kilomètres pour tasser tout ça et commencer à le digérer.
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La ruralité galicienne sous le seul petit rayon de soleil que nous avons eu ce matin. |
2 heures après nous arrivons dans le village de Lourenza où l'auberge que projetait d'occuper Daniel était fermée pour travaux. Nous nous sommes rabattus sur l'auberge municipale qui est un modèle de sobriété.
D'abord, quand nous entrons nous ne trouvons personne pour nous accueillir. Juste un petit mot sur la table de la cuisine qui dit que l'enregistrement et le paiement se feront entre 20h et 20h30. Nous investissons alors un endroit parfaitement vide de tout présence humaine. Rien de plus que le strict nécessaire pour passer une nuit à l'abri. Une heure après notre arrivée, le temps se met à devenir mauvais, gris, pluvieux, bref, bien crado...
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Quand le loup sort du bois... |
Il nous faudra quand même sortir pour trouver de quoi se nourrir ce soir et surtout demain matin. Les prévisions météo sont au plus bas pour les prochains jours. En même temps, ils avaient prévu de la pluie pour toute la journée et nous avons marché quasiment au sec. Qui vivra verra !
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Lourenza |
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Le plat à droite de la courbe du bas représente notre demi-heure de repas au petit bar de San Xustos. |
Bon. Nous ne garderons pas un souvenir impérissable de notre étape à Lourenzo. Dehors c'est le déluge et nous savons que d'autres pèlerins sont derrière nous à se cailler les cacahuètes.
Demain, nous allons à Abadín. 26 km mais belle ascension régulière.
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Allez, on s'fait un petit 500 mètres demain... Enlevez le soleil et remplacez le ciel par un gros tas de linge sale... |
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I
Samedi 12 octobre
La Caridad - Ribadeo
Adieu l'océan !
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46 jours que nous longeons Le Gascogne, ça crée des liens ! |
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Encore en forme, les anciens ! |
Une certaine émotion nous envahit aujourd'hui car nous quittons le littoral pour une dernière grosse semaine de marche vers Santiago. Le chemin des Anglais qu'on appelle aussi le chemin du littoral puis le Camino del Norte nous a donné l'occasion d'admirer l'océan régulièrement. La prochaine occasion pour nous se présentera lors de notre passage au Cap Finisterre. D'ici là quelques étapes de moyenne montagne nous attendent. Préparons nos mollets et nos chevilles.
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Au soleil levant, nous nous prenons pour des géants en regardant nos ombres. |
Hier soir nos menus du pèlerin donnaient le choix entre un premier plat qui proposait des spaghettis au thon et à la tomate ou une salade mixte et un second plat qui proposait de la longe de porc poêlée patatas fritas ou du poulet frit patatas fritas.
La routine...
La fête du village était suffisamment éloignée de notre auberge pour que nous n'en souffrions pas.
Jose-Maria et Miguel, nos amis espagnols que nous croisons tous les jours quasiment dans les mêmes auberges, nous ont offert un pot sur le port de Ribadeo tout à l'heure. C'était très sympa. Ils sont très souriants et très chaleureux.
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Derrière Daniel Jose-Maria et devant moi Miguel. |
Le fait de vivre les mêmes contraintes physiques crée des liens d'amitié particuliers. Sans jouer les martyrs, on peut quand même constater que faire le chemin est un plaisir intellectuel et spirituel, mais représente des efforts et des souffrances quotidiens.
Ce qui crée, de fait, une communauté humaine particulière le soir dans les refuges. Je suppose que c'est la même chose dans les refuges de montagnes. L'échange de "holà !" et d'un grand sourire est quasiment systématique, quand nous rattrapons des camarades ou quand ce sont eux qui nous rattrapent ce qui est relativement rare (ce qui nous étonne encore).
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Mon camarade arrivant dans le petit village de pêcheurs de Tapia de Casariego |
Quasiment au milieu de notre étape d'aujourd'hui se présenta un joli petit village de pêcheurs qui présentait tous les caractères d'un petit port breton : des murs blancs, des toits d'ardoise, des haies d'hortensia, un petit port marnant avec ses coureauleurs, le cri des mouettes se réfléchissant sur les petites maisons des quais. Nous sommes à 10 km de la Galice et ça se sent. Audierne est à quelques encablures au nord après tout...
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Finisterre ou Finistère ? |
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Un pécheur (accent aigu à dessein !) au bar de la marine... |
La météo prévoit de la piaule et de la pluie pour les prochains jours. Nous nous préparons psychologiquement à affronter les éléments d'autant plus que les prochaines étapes nous proposent des dénivelés intéressants. Seront donc au programme : sentiers boueux et glissants, jambes mouillées, condensation de sueur dans le poncho... Tout un florilège de sensations des plus agréables !
Cet après-midi, nous avons rassemblé toutes nos affaires pour faire une grande lessive et un tour de sèche-linge. Avant d'attaquer les hauteurs sous la pluie, il faut avoir un matériel propre et sec.
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Du grand viaduc autoroutier enjambant la Ria de Ribadeo, nous apercevons deux barques de pêche dans les irisations du soleil. |
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Au premier plan : le village de Castropol, et derrière ce que nous aurons à affronter demain... |
Notre destination de demain est Vilanova Lourenza.
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Une étape plus continentale ! |
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Vendredi 11 octobre
Luarca - La Caridad
Dans les restaurants de base de nos villages espagnols on dirait que les garnitures de légumes n'existent pas. On nous ressasse tous les jours les mêmes patatas fritas. Si bien que nous faisons une cure de frites. Point de haricots verts, point de fenouil, point de petits pois, de courgettes et autres aubergines. Dans un pays méditerranéen ça craint un peu...
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Parfois, les marques du chemin réservent des surprises ! |
Hier par exemple dans le petit port de Luarca, nous avons mangé une soupe de poisson locale délicieuse, et pour rester dans la même veine nous avions choisi le plat de poisson. Nous savions que c'était du merlu mais nous ne connaissions pas sa cuisson. Nous arrive illico un morceau de merlu...frit ! Avec des... frites ! bien sûr. Bref, en Espagne, les friteuses ne refroidissent jamais.
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Luarca se réveille doucement pendant que nous montons hors de ses gorges. |
Aujourd'hui notre étape n'était pas trop difficile. Longue oui, mais sans grand dénivelé abrupt. Au bout de 20 km nous avons dû descendre dans la petite ville côtière de Navia pour passer le pont de l'ixième estuaire de cette côte asturienne. En général, notre 20e km arrive vers midi. Nous avions donc projeté de grignoter un morceau dans un troquet de la vieille ville. Peine perdue sur notre parcours nous n'avons rien trouvé d'ouvert. Le seul bar ouvert avait sur son trottoir un compresseur et deux marteaux-piqueurs en pleine action. Nous avons donc continué notre chemin, traversé la Ria de Navia, remonté sa rive Ouest et, bien essoufflés, nous sommes arrêtés en haut d'une montée pour grignoter quelques graines et fruits secs.
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Il y a des restaurateurs qui savent parler au pèlerin ! |
Puis nous avons continué notre chemin vers La Caridad où nous attendait une magnifique petite auberge pour pèlerins qu'avait dégoté mon tour opérateur préféré.
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4,69 km/h de moyenne en comptant les arrêts c'est un record ! |
Il nous reste une étape avant de bifurquer vers l'intérieur du pays. Notre auberge est déjà réservée à Ribadeo.
Restera 9 ou 10 étapes avant Santiago.
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23 km, peu de dénivelé c'est une étape tranquille qui nous attend demain pour notre adieu à l'océan. |
Vers midi, en passant à Navia, nous sommes arrêtés par un vieux cordonnier qui, voyant notre accoutrement, supposait avec raison que nous nous dirigions vers A Caridá. Il nous souhaita une bonne soirée de musique et de danse ce qui nous étonna un peu.
Une fois à l'auberge, je regarde sur internet et voilà ce que je trouve :
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Ce soir c'est la fête au village, Irons-nous jeter un œil ? Rien n'est moins sûr, nos pauvres membres endoloris ayant besoin de beaucoup de repos. |
Faire la fête, reste une performance pour le pèlerin dont l'activité majeure est de marcher quotidiennement.
Dans nos nombreuses lectures relatives au chemin, nous avons trouvé beaucoup d'auteurs qui se vantaient d'avoir croisé des pèlerines qui cheminaient seules ou à plusieurs et qui, visiblement, n'étaient pas farouches.
Daniel et moi, soit nous marchons trop vite, soit nous n'avons pas la manière de débusquer ces perles rares. Notre relative liberté affective et une certaine inactivité hormonale (de fait) pourraient nous rendre très sensibles à une offre de ce type...
Macache ! Nous serions prêtres catholiques romains en pèlerinage que notre électrosexogramme serait d'une platitude toute équivalente... D'autant plus que nos nuits se passant dans le meilleur des cas à deux dans la même chambre et dans le pire dans la même chambre que plusieurs dizaines de nos co-pèlerins et co-pèlerines, une vilaine promiscuité castratrice nous interdit de pratiquer la contraception selon ce pauvre Onan...
Bref, les voyages forment peut-être la jeunesse, mais, en l'occurrence, ils déforment pas mal notre vieillesse...
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Encore une autre balise du Camino toute repeinte de frais. CS = Camino de Santiago |
Parfois, Daniel et moi, ne marchons pas au même rythme. Cela crée des écarts entre nous qui permettent de prendre l'autre en photo en situation. Voici deux exemples :
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Mais où est donc ce chemin ? |
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Jeudi 10 octobre
Santa Marina - Luarca
Du pays Basque aux Asturies en passant par la Cantabrie, nous avons constaté une diminution très nette du niveau social des gens que nous croisons. Dans les deux derniers villages dans lesquels nous avons dormi, les cafés restaurants sont d'une vétusté incroyable. Les décors, les salles, le matériel ne sont pas entretenus, maintenus remplacés. La vieille peinture coquille d' œuf écaillée est toujours au mur, marbrée des restes de fumée de tabac alors que l'interdiction de fumer dans les lieux publics date de 2011.
Les menus du jour oscillent entre 9 et 11 € avec le pain, le dessert et le demi de vin compris. Nous avions déjà constaté que la population rurale était très paupérisée mais en ville ce n'est pas beaucoup mieux.
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Lumière des hommes contre lumière du jour, passage de témoin dont nous sommes témoins... |
Par contre, alors que chez nous dans le moindre village de 2000 habitants tous les commerces finissent par fermer, ici, nous traversons des villages de moins de 1000 habitants qui possèdent : coiffeur, épicerie, plusieurs cafés, boulangerie, boucherie, petite surface, et cetera...
Le niveau de vie n'étant pas très élevé, on arrive encore à vivre d'un petit commerce, ou d'une petite entreprise, ce qui n'est pas le cas chez nous.
Nos derniers propriétaires, qui nous paraissaient avoir bien profité de leur situation à la fois sur le bord de mer et sur le Camino del Norte, n'avaient apparemment pas le choix. Leur troquet était à la limite de l'insalubre, les verres étaient culottés, les serviettes de toilette dans les chambres étaient tachées (après lavage quand même !) et tout à l'avenant malgré leur bonne volonté évidente.
Aujourd'hui, l'étape était relativement agréable. Je dis relativement parce que nous avons eu encore pas mal de montées et descentes dans des vallons sans grand intérêt. Par contre dès que nous approchions de la mer, la lumière du soleil levant rendait le paysage fabuleux.
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Au soleil levant, les roches prennent des couleurs singulières. |
Nous sommes passés par deux plages, ce qui suppose que nous redescendions à une altitude minimum pour aussitôt remonter sur la falaise entre 80 et 150 mètres. Les derniers jours ayant été humides, les descentes et les montées sont compliquées car le support est un mélange de pierre et de terre plus ou moins molle. On se surprend donc à rester le nez sur nos chaussures pendant des lustres, de peur de chopper l'entorse fatale.
Il suffit d'une.
La descente sur le petit port de Luarca nous a complètement bluffés. D'habitude nous envoyons à nos amoureuses un petit SMS à peu près une heure avant notre arrivée car, étant sur les hauteurs, nous apercevons toujours notre destination longtemps à l'avance. Aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Nous avons découvert le petit port de Luarca tout à fait au dernier moment. Ce n'était pas étonnant, ce village de pêcheurs est complètement encaissé dans des gorges qui donnent sur la mer. Si bien que nous ne l'avons aperçu qu'en descendant un dernier escalier.
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Magnifique petit port de pêche encaissé entre deux falaises. |
Aujourd'hui, j'ai vu en vrai quelque chose qui angoisse tous les pèlerins : les dégâts que font les punaises de lit. Une jeune femme vient d'arriver à notre auberge et s'est mise à inspecter de très près tout les matelas et les sommiers. En la voyant faire, je me suis dit qu'elle était peut-être un petit peu maniaque.
Un peu plus tard, elle était en train d'expliquer à la taulière ses petits problèmes de punaises de lit. Et de lui montrer ses jambes. Et là je n'ai pas vu les jambes d'une reine comme dit Brassens dans la chanson de la Clairefontaine, j'ai vu Beyrouth. Cette pauvre gamine avait les jambes ravagées par de gros confettis rouge. Il suffit d'une nuit sur un pieu infesté. Elles se collent dans les interstices les plus discrets du lit, sommier et matelas et sortent la nuit pour se nourrir de votre sang, seulement quand votre corps s'immobilise pendant plus de deux heures. Imparable !
Bref, l'angoisse totale du pèlerin. D'autant plus que c'est également l'angoisse totale du taulier! Car il est très difficile de s'en débarrasser...
Le seul moyen d'en être sûr pour le pèlerin qui rentre chez lui, c'est de mettre la totalité de son matériel et de ses fringues au congélo pendant plus de 48 heures !
Pratique !
Il est également très difficile en arrivant dans une auberge de s'assurer de la présence ou non de ces petites bêtes malfaisantes. Ça ne transporte aucune maladie mais c'est parfaitement désagréable et psychologiquement très moyen. Rien que de s'imaginer une colonie de ces petites bestioles envahissant votre duvet, et l'on plonge instantanément dans l'enfer du cauchemar d'un alcoolique en sevrage en pleine crise de delirium tremens...
Vais-je bien m'endormir ce soir ? rien n'est moins sûr.
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Daniel en train de dompter les éléments à l'entrée du port de Luarca ! |
Aujourd'hui j'ai appris la mort subite d'un camarade de théâtre pendant sa sieste. La semaine dernière c'est le crabe qui a emporté une de mes anciennes mamans d'élève de mon village.
Il y a des jours avec et des jours sans.
Et merde ! C'est bon d'être vivant. Vino tinto para todos esta noche !
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Une des nombreuses marques sur le chemin... |
Pour finir, nous avons vu aujourd'hui un exemplaire unique de Catho kaki. Polonais, parti de Lourdes le 2 septembre, nous nous suivons depuis environ une semaine. Son pelage est curieusement camouflé.
Marchons en paix, mon frère.
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Quelle armée va-t-il bien combattre dans cette tenue ? |
Demain nous allons à La Caridad. 30 bornes et un peu de dénivelé. Grosse étape.
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Mercredi 9 octobre
Muros de Nalón - Santa Marina
Nous avons laissé la petite ville de Muros de Nalón sous son couvercle de pluie. Hier soir, décemment, nous ne pouvions pas attaquer un nouveau repas de pèlerins. Nous avons donc fait notre petit marché dans l'épicerie de la place du village, et réuni tant bien que mal quatre ingrédients pour faire une salade. Deux tomates, un piment doux, deux avocats et une conserve de carottes rapées. Tout ça assorti de quatre yaourts longue conservation, de quatre poires et de 4 clémentines.
J'ai trouvé dans la cuisine de notre refuge une bouteille d'huile de tournesol très entamée et une autre de vinaigre très bon marché, une pincée de sel et tout ça a fait une salade composée très honorable pour les grignoteurs de fruits secs et de graines que nous sommes.
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Parfois à travers les eucalyptus, nous découvrons la mer. |
Après nous avoir arrosés d'une petite bruinette ridicule mais qui nous a forcés quand même à chausser nos ponchos et nos capotes, le chemin a fini par convoquer son pote le soleil. Il est 16h21 et je suis dans le jardin de la pension Prada en manches courtes et assis sur une chaise en plein cagnard.
Les 27 km d'aujourd'hui n'étaient pas vraiment de tout repos. Surtout dans leur deuxième moitié où nous avons alterné des descentes et des montées bien raides chaque fois sur le même schéma : la traversée d'un petit Rio à gué se jetant sur une plage (en bas) et la traversée d'un petit hameau (en haut). Entre les deux des pentes longues et raides, très raides... et ça 4 fois de suite.
Bref, les pèlerins étaient bien soulagés d'arriver à la pensión Prada aujourd'hui.
Celle-ci est tenue par les propriétaires du troquet/resto d'en face, qui ont construit autour de leur belle maison ancienne un tas de logements de plain-pied pour les pèlerins. Pas folles les guêpes ! Juste à la sortie d'une succession de dénivelés ! Le pèlerin exténué ne peut que débarquer ici...
Santa Marina étant un tout petit village un peu en retrait du littoral, l'accueil des pèlerins a dû sérieusement mettre du beurre dans les épinards surtout hors saison !
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De chaque côté de la maison des propriétaires des logements pour pèlerins en voilà une idée qu'elle est bonne ! |
Et devinez où nous allons manger ce soir ? De l'autre côté de la rue bien sûr chez nos propriétaires, il n'y a pas de concurrence possible.
Je ne vous ai pas encore dit que nous cheminons dans deux univers sonores majoritaires : l'autoroute qui n'est jamais très loin, et la mer qui n'est jamais très loin non plus.
Elles ne sont pas tout à fait comparables en termes d'agrément du chemin, mais nous faisons avec.
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Le Camino passe plusieurs fois par jour sous l'autoroute et/ou la voie ferrée. |
Les Espagnols ont eu une période frénétique de construction en général et de construction d'ouvrages de travaux publics en particulier. Si bien que nous marchons parallèlement ou perpendiculairement à de multiples routes ou à une autoroute que nous suivons depuis notre passage de la frontière.
C'est à prendre...
ou à prendre !
C'est marrant nous commençons à parler de la fin de notre aventure. Nous sommes descendus en dessous des 300 km à parcourir. Nous calculons environ 8 à 10 étapes avant Santiago. Notre projet d'aller jusqu'au cap Finisterre est toujours valable mais, pour nous y rendre depuis Santiago, notre moyen de transport habituel va peut-être laisser place à un moyen de transport plus mécanisé... Nous verrons... car il faut au moins 3 étapes pour y parvenir. Et nous projetons déjà de rentrer rapidement après avoir décroché notre Compostela, le diplôme tant convoité par de si nombreux pèlerins.
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Ce n'est pas le Saint Graal mais presque... |
Nos amoureuses nous manquent. De vieilles pudeurs de mecs entre eux nous empêchent de nous l'avouer dans le courant de nos conversations, et je pense qu'aussi du côté de nos moitiés, notre absence a peut-être laissé un petit syndrome du nid vide... Enfin...On peut rêver !
Alors, pour donner le change, on va dire qu'on a hâte de retrouver les tours de La Rochelle !
Demain, nous allons à Luarca.
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