mardi 22 octobre 2019

Dernier jour de la huitième semaine : le bout du monde...

Chers lecteurs , amours, amis, curieux, j 'archive cette page chaque semaine. Vous retrouverez les semaines passées dans la page : "suivez le fil" que vous pourrez trouver en haut à droite pour les ordis et en haut à gauche pour les smartphones.
Autre petit conseil : si vous voulez avoir la totalité des photos, film, et texte de la journée attendez le lendemain matin. Si vous ouvrez la page le soir vous avez de grandes chances que je sois également dessus en train de la compléter.
Merci à tous d'être de plus en plus nombreux à lire ce blog,  il est fait pour ça et ce n'est pas de la tarte de pondre cette page quotidienne avec un smartphone. Mon clavier me manque.

Mardi  22 octobre
 CAMINO KM 0,000 !!!

La borne du kilomètre zéro avec au fond le phare du Cap Finisterre.

Le Camino a été magnanime aujourd'hui, il nous a octroyé une journée de plein soleil pour notre dernière journée de marche. 

La population qui visite le phare du Cap Finisterre est très hétéroclite. D'abord elle est composée de pèlerins et de touristes mêlés de façon beaucoup plus prégnante que sur la place de Santiago où tout ce qui n'a pas un sac à dos fait figure d'importun. 
D'autre part, les pèlerins qui atteignent le cap Finisterre le font de deux façons différentes : 
Les purs et durs qui tiennent à aller au bout du bout avec leurs sacs, leurs bâtons et tout le saint-frusquin, et les épicuriens dans notre genre qui laisse le sac à Fisterra ou dans leur chambre et qui fond la balade de 3 km entre le village de pêcheurs de Fisterra et le cap sans aucune entrave.

Homo Pelerinus Vulgaris de type "fatigué". 


Mais ceux-là, me direz-vous à juste titre, comment fait-on pour les distinguer des  simples touristes ?
La tenue, mes amis, la tenue ! Le pèlerin porte quasiment toujours (à part de très rares amoureux du scoutisme de Baden Powell ou des vêtements "vintage") des vêtements dits "techniques" dont  l'incontournable pantalon de randonnée blanc cassé, gris taupe, gris souris ou noir, unisexe, dont les jambes sont séparables en deux parties au-dessus des genoux.
Ajoutez à ça des chaussures de randonnée usées et sales,  et vous êtes bien en présence d'un Homo Pelerinus Vulgaris de type "fatigué". 

Daniel avait promis d'envoyer la photo de ses mollets au bout du chemin à son kiné.  C'est fait...
Notez à droite la sculpture d'une ancienne  chaussure de marche en cuir usagée en bronze fixée  sur le rocher.
Le cap Finisterre est un endroit tout à fait magnifique.  Le promontoire  est situé à plus de 100 m au-dessus de l'océan.  Et la vue embrasse plus de 180 degrés d'horizon et de côte.
Les seules constructions sont celle du phare et d'un Hôtel Restaurant dans son prolongement vers la terre. Un des éléments remarquables est évidemment la borne 0 km du chemin de Compostelle qui n'a pas grande signification puisque le but de tous les Caminos c'est la basilique de Santiago.
Mais une vieille tradition veut que les pèlerins aillent brûler ou abandonner toutes leurs affaires au bout du monde à la tombée du jour. 

Le Phare de Cabo Fisterra est situé à 147 m de la surface de l'océan et il est visible à plus de 30 miles en mer. Il est également situé à 90 km de Santiago.


Daniel et moi, avons prévu de faire un petit pique-nique (chorizo et fromage de brebis) face à la mer entre nos deux transferts en bus de Santiago.
Une petite balade sur le port de Fisterra à complété le tout en nous donnant une farouche envie de rappliquer un de ces étés prochains avec nos amoureuses.
Certains petits ports de la côte nord et de la Galice ainsi que quelques villages de l'intérieur valent vraiment le coup de s'y attarder.
Hier soir, nous avons découvert par hasard un resto super sympa. Les patrons tous deux espagnols ont passé une partie de leur vie à travailler dans la restauration à l'étranger. Entre autres plusieurs années à Genève où le patron a été chef d'un restaurant deux macarons Michelin pendant dix ans.
Daniel a pris un empanada aux fruits de mer et moi une super salade de légumes frais et nous avons prolongé, Daniel par un ragoût de bœuf et moi par de la morue fraiche sur un lit de légumes poêlés.
Un régal. Si bien que nous avions l'intention d'y revenir ce soir, malheureusement il est fermé.
Je leur ai concocté un avis d'enfer sur TripAdvisor. Je n'y mets jamais de choses négatives mais quand je suis content j'y vais à fond.

Un autre spécimen d'Homo Pelerinus Vulgaris bien naze.

Demain nous prenons l'avion à la mi-journée pour atterrir en fin d'après-midi à l'aéroport de Mérignac à Bordeaux. Françoise viendra nous chercher pour nous ramener dans nos foyers. 

L'aventure se termine.

Grand merci à tous ceux qui ont supporté ma prose et ont suivi jour après jour notre périple qui, nous le constations avec Daniel ce midi, n'a essuyé aucune tempête, au sens propre comme au sens figuré. Ce voyage a été positif de bout en bout et aucun obstacle n'est venu le perturber.

Bref, les jeunes retraités ("jubilados" disent les Espagnols) reviennent heureux et prêts à se relancer dans de nouvelles aventures.

Mais ça, c'est une autre histoire...

Photos et vidéos du jour >>>ICI

Lundi  21 octobre
 La Pause

Arrivé à ce point de notre aventure il faut que je vous dise que le chemin est très gourmand. Son plat préféré ce sont toutes les distractions que pourraient avoir un pèlerin. Distractions de tous ordres. Par exemple, imaginons à tout hasard, qu'une jeune pèlerine blonde à forte poitrine ait des velléités de profiter de notre longue expérience sentimentale...
Imaginons...
Ben quoi ? Ça pourrait arriver..!

Toutes les églises sont tournées
 vers Jérusalem, mais quand
 on voit ça, on s'aperçoit qu'elle
 ne perdent pas non plus le nord...

Et ben macache bonno ! Le Camino te rappelle à l'ordre illico. 
Lever tôt = coucher tôt, 
linge propre = lessive quotidienne, 
bonhommes propres = toilette en milieu d'après-midi, etc...
Bref pour courir la prétentaine, il faut un minimum de disponibilité...
Je prends cet exemple pour vous faire sourire, mais pour ce qui est du tourisme et des visites des coins qu'on traverse, c'est la même chose. Impossible d'apprendre quoi que ce soit de supplémentaire à ce que le camino veux bien nous octroyer. Le champ de notre curiosité se limite à notre champ de vision quand nous mettons un pied devant l'autre. Si la 8e merveille du monde se trouve derrière la colline que vous êtes en train de contourner, et bien, vous la visiterez lors d'un prochain voyage. 
Ce que je veux dire par là c'est que quand on décide de faire le chemin, on ne fait que ça. Point. 
Il vous prend votre tête, votre cœur,  votre esprit et votre énergie jusqu'au bout.

Moi je préfère manger à la cantine avec mes copains et mes copines

Tout ça pour en venir à notre journée d'aujourd'hui que j'ai baptisé "repos à Santiago ce lundi ".
Nous avons décidé, Daniel et moi, de ne faire que ce que nous avions envie :
Lever 9h sans réveil,
Petit déjeuner jusqu'à 10h,
Flâneries dans la vieille ville pendant la journée entrecoupée d'un repas de super tapas dans la cantine du grand marché, suivi de la visite du grand monastère et de son musée.
17 h 00 vautrage sur nos lits et glandouille en attendant notre petit resto frisou la balayette du soir...
Bon. Pour ce qui est du Macumba ce soir, ce n'est qu'une option.
Bref, ahora, LA PAUSE...

Même en termes de rédaction. Je m'arrête là. Demain nous passons notre dernière journée au Cap Finisterre que les anciens croyaient être le bout du monde.

Daniel et Gégé sur le chemin de Compostelle, comme quoi le camino ça vous change un homme.


Photos et vidéos du jour >>>ICI



Dimanche  20 octobre
 Pedrouzo - Santiago 

Nous y sommes !

HEUREUX, NOUS SOMMES !


Ma première réaction ?

Le bonheur d'avoir vécu tout ça avec un ami qui m'a supporté 24/24 et 7/7 sans élever une fois la voix (et réciproquement bien-sûr). Pas un mot plus haut que l'autre ! Et de bonnes bosses de rigolades. Quand on vit dans la contrainte physique et morale, il n'est pas évident de rester d'une humeur égale à l'endroit des personnes avec qui on la partage...
Bref une aventure humaine hors du commun  en termes de vie "de couple !"

Ensuite vient le plaisir d'avoir été jusqu'au bout du grand jeu dans lequel nous sommes lancés. Car ce n'était qu'un grand jeu ni plus ni moins. Le défi était surtout physique, le fait de partir en vacances deux mois avec un ami ne représentant pas un challenge particulier mais plutôt un bon trip.

Non, c'était plutôt aux ménisques, aux latéraux, aux croisés, aux tendons d'Achille, aux chevilles, aux ongles d'orteil, à notre derme et épiderme des pieds, tous soumis à dure épreuve, de tenir une moyenne de 20 à 33 km quotidiens sur tous supports. Sans parler des épaules qui, pour mon cas, viraient au violet en fin de journée pour retrouver leurs couleurs en fin de nuit... une fois après avoir retiré mon sac à dos, je me suis surpris à marcher involontairement sur la pointe des pieds, comme si je ne pesais plus rien. Ça fait drôle. Par la suite, j'ai tâché de maîtriser le phénomène.
Nous avons dû vider quelques pharmacies sur le chemin. Ce qui nous console, c'est que nous n'étions vraiment pas seuls à soigner nos petits bobos.

Derniers pas sur le Camino...

C'est marrant, dans tous les messages que nous avons reçus, beaucoup nous témoignent du respect comme si nous avions fait quelque chose de grand et de beau et surtout que l'énergie mentale et physique  que nous y avons consacrée seraient méritoires ou quelque chose comme ça.... 
Ne nous trompons pas de sentiment, nous n'avons fait que nous amuser.
Juste deux grands (vieux ?) gamins qui s'amusent. 
Fiers de nous, oui. 
Méritants, non.
Et surtout très soulagés de constater que nos corps sont encore en  bon état de fonctionnement. 
Ça, oui.
Le tendon d'Achille de Daniel avait clairement été condamné à mort par la radiologue qui l'avait examiné (n'essayez même pas !), quand à moi, j'avais de gros doutes sur mon genou gauche, le "chir" ayant constaté l'état déplorable de mes ménisques et de mon latéral externe gauche après qu'un de mes  skis eût décidé de faire demi-tour sans déchausser et surtout sans demander son avis à son voisin. 
Bref, la seule véritable inconnue de notre équation était notre longévité physique.

 Un petit rayon de soleil sur la place de la basilique,  ça s'mérite...

Donc, les vieux (je rappelle que du point de vue de la SNCF, Daniel n'est pas encore Senior, et ce, jusqu'au 26 décembre) se sont très bien comportés avec leur petit corps. Nous verrons comment nous récupérerons par la suite...

Bon.

Voilà donc les conclusions à  chaud.

Santiago est une grande ville avec une vieille ville médiévale ayant conservé un certain attrait. Lorsque je m'étonnai de voir autant de boutiques à bondieuseries et autre cochonneries made in RPC pour touristes, Daniel me dit qu'à Lourdes c'est 10 fois pire. J'ai du mal à imaginer.
À part ça, il règne une certaine dynamique en centre ville car celui-ci est peuplé d'une grande quantité de pèlerins soulagés et heureux. Les sourires sont donc nombreux, adressés au monde entier, par le monde entier.
Ce soir, nous avons trouvé un restaurant qui nous a sevré de l'éternel menu de pellegrino à 10 ou 11 € qui vous propose des patatas fritas en primero et en segundo.
Calamars et parillada de viandes au menu avec un excellent Rioja, ça change de la cantine !


Ce soir, pendant le repas, Daniel et moi avons consulté au hasard nos centaines de photos en essayant de trouver les endroits où elles avaient été prises. Ça nous a fait prendre la mesure de l'étendue de la balade. 51 étapes, 51 nuits dans un endroit différent, 51 dîners dans un endroit différent, 51 départs au petit matin, 51 toponymes différents dont les moins connus était un peu compliqués à replacer.
Cet après-midi, nous sommes passés dans le bâtiment qui accueille les pèlerins qui veulent qu"on leur remettre leur Compostela. C'est comme à la Sécu, il faut prendre un ticket et attendre son tour, sachant qu'en ce moment entre 600 et 1000 pèlerins arrivent par jour à Santiago.
Cette attestation n'ayant pas une grande valeur ni symbolique (car essentiellement religieuse), ni réelle pour nous, contrairement à la Credencial qui, elle, garde la trace de chacun de nos déplacements, nous n'avons pas jugé utile de passer du temps à attendre sa délivrance.

Demain le temps qui est prévu est moins agréable que mardi. Nous ferons donc notre balade au Cap Finisterre mardi.
Demain nous allons en profiter pour flâner en ville et pour reposer les bonshommes.

Demain, nous allons à...
Je suis bête, nous n'allons nulle part !

Photos et vidéos du jour >>>ICI



Samedi 19 octobre 
 Arzúa - Pedrouzo

Il nous reste 20 km au compteur et une dernière  étape !
Arrivés quasiment au terme de notre voyage nous avons eu aujourd'hui l'occasion de vivre une "première fois". En effet nous sommes partis sous des trombes d'eau, et sommes arrivés sous d'autres trombes d'eau avec entre les deux, d'autres trombes d'eau encore... Chose qui ne nous est jamais arrivée depuis le 28 août date de notre départ...
En fait, nous avons beau avoir des chaussures de très bonne qualité, avec Gore-Tex et tout le saint-frusquin, quand il pleut très fort, l'eau ruisselle le long de nos jambes et pénètre par capillarité dans nos chaussettes puis dans nos chaussures. Au bout de 4h30 de marche et de pluie battante nous avons les pieds aussi mouillés que si nous portions des sandales en plastique. Arrivés à l'étape : déchaussage immédiat et bourrage des chaussures avec du papier journal. C'est le truc des randonneurs de tous poils pour assécher au maximum l'intérieur de leurs chaussures avant le lendemain matin. Par contre, les capotes et les ponchos sont très efficaces. En dessous tout reste bien sec à condition de ne pas transpirer. C'était le cas ce matin, car le chemin était plat et n'était pas physique du tout.

On y va ou on y va pas ?

Mon tour opérateur préféré nous a encore trouvé un hébergement de rêve. L'élément de confort que nous privilégions par ce temps est le sèche-linge. Il nous permet non seulement de sécher notre linge du jour mais également tout ce qui a pris l'eau pendant l'étape exceptées les chaussures. Cela permet de repartir le lendemain matin comme au premier jour.
Aujourd'hui, nous avons marché en compagnie des pèlerins du Camino francés. Imaginez en permanence 5 personnes dans les 100 mètres qui vous précèdent et 5 personnes dans les 100 m qui vous suivent. Si votre champ de vision embrasse 500 m avant et après vous, vous pouvez voir marcher 50 pèlerins à la fois. 
L'horreur...
Les galeries Lafayette aux heures de pointe... Nous ne conseillerions à personne de faire le chemin de Santiago dans ces conditions.
Tout ça sous une pluie diluvienne, ça ne fait pas envie.

Daniel contemplant les dégâts...

Daniel et moi faisons partie d'une catégorie exceptionnelle de pèlerins. Celle qui ne vient pour aucun motif d'ordre religieux. En 2018 nous représentions  9, 35 % de l'ensemble. Les 90 % qui restent se partagent en deux moitiés à peu près égales dont l'une venant uniquement pour des motifs religieux et l'autre pour des motifs mixtes. Diane, notre co-pèlerine canadienne de l'autre jour faisait également partie de notre petite confrérie. Elle allait à Santiago pour la 6e fois sur différents chemins pour des motifs parfaitement laïques. Quand nous lui avons demandé pourquoi elle venait de si loin en avançant le fait qu'au Canada il doit y avoir des sacrées balades à faire, elle nous a répondu qu'un chemin (hors haute montagne) qui possèdait des auberges et des refuges aussi nombreux que le chemin de Compostelle, c'était très rare sur notre planète.

Un peu humide le chemin
 de ce matin
Le fait de n'avoir aucune motivation religieuse pour avancer est très rassurante pour le mécréant que je suis. Il me prouve que l'être humain peut réaliser de grandes choses sans être mû par une foi quelconque. Juste par ses capacités intrinsèques. 
Si je me groupe avec des petits camarades (comme Daniel, par exemple...) et que nous décidons de construire un truc aussi balaise qu'une cathédrale juste pour la beauté du geste, sans être animé par autre chose que notre propre volonté, ce sera possible... Et ça, c'est le chemin qui me l'a dit.
Je ne sais pas ce que le chemin dit aux pieux, mais à moi, il m'a dit que chaque être humain possède en lui un stock de ressources inexploitées qui lui sont propres et qui lui permettent de faire des choses qui dépassent le cadre habituel de ses potentialités. Et cela en dehors de tout cadre mystique, mythique ou imaginaire...
Et ben ça, ça m'a rassuré !
Aussi bête que ça puisse paraître. 
Il est paradoxal d'apprendre ça dans un contexte créé de toutes pièces par des cléricaux. 
Mais je l'aurais aussi bien appris sur le chemin de Katmandou.
Bref, et pour finir ce chapitre relatif au caractère initiatique du chemin, c'est assez rigolo d'avoir tenté une expérience qui vous fait "grandir" à 60 ans passés...

Attention ! Un  pèlerin
 peut en cacher un autre.
Ce qui est marrant, c'est que dans ce contexte de multiplication des pèlerins (et pas des pains!) Nous avons l'impression d'appartenir à une tribu. Une tribu venue du Nord. Parmi les pèlerins du Camino francés qui sont tellement nombreux qu'ils ne se retrouvent jamais, nous formons un clan de privilégiés qui s'apostrophent, s'embrassent, se congratulent, se sourient, à chaque fois qu'ils se croisent.
Par exemple dans notre auberge d'aujourd'hui sont arrivées Diane notre co-pèlerine canadienne dont j'ai déjà parlé deux fois, et deux soeurs australiennes, l'une artiste peintre vivant à Berlin, l'autre naturopathe vivant à Sydney avec lesquelles nous avons déjà eu une longue conversation avant hier au monastère. C'est très sympa de se retrouver  au chaud, à l'étape, après avoir supporté les misères météorologiques du jour.

Le parvis de notre auberge lorsque nous sommes arrivés...
Sur le Francés, nous voyons une quantité de "faux pèlerins". J'entends par là des marcheurs qui ne porte pas leur maison sur leur dos. Quand je dis leur maison ce n'est pas obligatoirement une tente. Mais tout ce qui permet d'être autonome en terme de couchage et d'habillement.
La grande mode est de faire le chemin avec un petit sac à dos de nylon une bouteille d'eau et de se faire porter sa valise ou son sac à dos par transporteur spécial. Aussi, nous découvrons à chaque fois que nous arrivons dans une auberge,  des tas de sacs étiquetés qui attendent leurs propriétaires à l'étape. Peut-on dire : "j'ai fait le chemin de Compostelle" sans avoir jamais rien porté ?
Je laisse cette question à votre sagacité. L'autre mode est de décrocher sa Compostela (vous savez le diplôme qui certifie que vous avez fait le chemin) en marchant le minimum requis pour sa délivrance : 100 km à pied ou 200 km à vélo. C'est à dire : 4 étapes. Nous en aurons fait 51 !
Nous rencontrons aussi des collectionneurs de tampons.
Les commerçants qui bordent les derniers kilomètres du chemin laissent à la disposition des pèlerins un tampon de leur commerce au bout d'une chaîne. Aussi chaque pèlerin peut couvrir sa credencial de dizaines de tampons et ainsi faire illusion arrivé à Santiago.
Pour finir avec le galvaudage organisé des valeurs du chemin, nous croisons de plus en plus de boutiques de produits dérivés sur le thème du pèlerinage. Du magnet à la coquille Saint-Jacques en plastique en passant par le poncho imprimé et le bâton en vraie fausse branche d'arbre, on peut acheter toute une panoplie de cochonneries fabriquées en Chine sur les 100 derniers kilomètres du Camino francés.
Le chemin n'a pas échappé au Dieu "Marché" !

Comme à Lourdes... la ferveur religieuse se vend bien...

Demain nous allons à...........

Santiago de Compostela !

Youpi.


Toutes les photos et les vidéos du jour>>ICI


PETIT RAPPEL : 
Ce blog est créé, approvisionné, et écrit par moi, Gégé (Laurel, pas Hardy). Malgré tout le soin que je porte à ne pas associer Daniel à mes jugements de valeur parfois dérangeants sur la nature humaine que je croise sur le chemin, on peut comprendre que ceux-ci font consensus et engagent mon camarade, il n'en est rien.
J'avais imaginé ce blog comme une sorte de bloc notes pour éventuellement m'en servir après le voyage pour écrire un petit essai sur l'expérience d'un pèlerin X...
Néanmoins, et à la demande de lecteurs assidus qui m"aiment et que j'aime, et pour des raisons qui touchent à  la pluralité croissante de l'audience de ce blog, je l'ai  purgé de tout jugement de valeur qui pourrait avoir une connotation péjorative et/ou polémique. Nous resterons donc dans le "factuel", le "consensuel", le "descriptif". J'espère que pour certains d'entre vous, le manque d'épices ne gâtera pas le plat.
Donc, ne vous étonnez pas, soit de ne plus trouver quelques saillies salées, soit de ne plus trouver certains commentaires en bas de page.
NDLR

Vendredi 18 octobre 
 Sobrado dos Monxes - Arzúa

Il nous reste 40 km au compteur et deux étapes!
Nous n'avons pas vu le soleil depuis notre départ de la côte. L'étape d'aujourd'hui a été grise, pluvieuse, tristounette malgré les petits paysages vallonnés qui auraient pu être sympathiques par beau temps.
Depuis quasiment notre sortie du Pays Basque, nous constatons que de grandes parcelles de terrain sont consacrées à la plantation de milliers d'eucalyptus. Ça nous pose question depuis quelques jours et j'ai voulu consulter Le Grand Wiki pour savoir ce qu'il en était. 
En fait, dans une perspective de reboisement, l'État espagnol verse 2400 € à chaque hectare replanté et les paysans ont sauté sur l'occasion pour couvrir la Galice d'eucalyptus. Cet arbre sert essentiellement à fabriquer du papier mais ses défauts sont multiples. Entre autres, dans une forêt d'eucalyptus, il ne pousse quasiment plus rien d'autre. La diversité animale et végétale la fuit. C'est donc une grave polémique environnementale pour les Espagnols et pour leurs associations écologiques.

Quelques eucalyptus sur le chemin c'est assez sympa, mais des milliers à perte de vue ça finit par être lassant.

Ce qu'il vous faut savoir, chers lecteurs, c'est qu'Arzúa est le point de convergence du Camino francés et du Camino del Norte. Le Camino francés est la voie la plus empruntée par les pèlerins. En 2018, presque 190 000 personnes l'ont emprunté.  Quant au Camino del Norte c'est 10 fois moins. C'est une des raisons qui nous ont poussé à le choisir. Il y a 25 ans, c'était à peine dix mille pèlerins qui empruntaient les 6 chemins confondus !

Daniel, Jose-Maria et Miguel au petit déjeuner. Dehors, il fait froid et humide.
Toutes ces explications pour dire que l'esprit du chemin n'est pas du tout ressenti de la même façon selon qu'on emprunte "l'autoroute à pèlerins" (Camino francés) ou bien "le sentier à pèlerins" (Camino del Norte).
Pour illustrer ce ressenti, voici un exemple que je viens de vivre alors que nous étions en train de manger une petite salade composée dans un troquet jouxtant notre auberge : en une demi-heure, j'ai dû voir passer une trentaine de pèlerins venant du Camino francés. Ça donne une idée de ce qui peut arriver entre midi et 18h, fourchette raisonnable d'arrivée de l'étape du jour selon la distance choisie... Rien à voir avec notre trentaine de co-pèlerins quotidienne sur le chemin du Nord.
Sur le Francés il est impossible techniquement de se retrouver dans les mêmes lieux le soir à la veillée.
Et nous sommes bientôt fin octobre. Je n'ose pas imaginer ce que ça donne en plein juillet.

Nos paysages quotidiens : bucoliques et humides.

Daniel et moi commençons à parler du ressenti global que nous avons de notre aventure maintenant que nous arrivons à son terme. Nous sommes assez contents de terminer maintenant car nos corps ont quand même 60 balais et ils auraient peut-être besoin d'un peu de repos.
Physiquement, un chemin de presque 1400 km à pied sans pratiquement aucune pause (3 jours sur 54) est une véritable épreuve malgré notre propension à tourner en dérision tout ce qui nous entrave. 
Ça représente deux choses quotidiennes qui ne sont pas forcément à mettre en tête de la liste de nos goûts : l'effort et la souffrance.
Je rajouterais à cela une discipline de fer. Bref 3 contraintes qui pourraient faire ressembler notre petite aventure à un véritable enfer. 
Reste la fantaisie, la curiosité, et le petit défi que nous nous lançons à nous-mêmes face à la communauté de nos proches.
Dans tous les bouquins, il est dit qu'on ne sort pas du chemin dans le même état (en terme de philosophie de la vie) qu'en y entrant.
C'est sans doute vrai. Fatalement, nous nous sommes surpris à développer des traits de caractère que d'aucuns pourraient assimiler à des qualités, comme la résistance à la douleur, la constance dans l'effort, le refus d'être distrait de nos objectifs, et cetera...


Les rencontres sont de tous ordres sur le chemin.
Mais cet état de fait ne doit pas nous monter à la tête. C'est le cas de tous les co-pèlerins  que nous avons croisés.  Ça revient à dire que la ressource qui permet ces changement provient plus du chemin lui-même que de nos propres tripes.
D'autre part, il existe aussi deux effets d'entraînement collectif.
Le premier concerne l'auto émulation de notre petite équipe. Daniel et moi avons, sur notre parcours de vie, connu plusieurs exemples de ce type dont, entre autres, le passage de nos premiers examens de plongée sous-marine. Par exemple, pour l'un d'entre eux que nous avons passé en Bretagne Nord dans des conditions météo pourries, nous sommes arrivés majors de promotion alors que de beaucoup plus costauds que nous participaient à la chose. Nous ne nous montions pas le bourrichon en termes de performances,  mais nous avons toujours ressenti du plaisir à progresser ensemble.
40 ans après cet épisode de jeunesse, l'émulation est la même, le plaisir le même.


Le temps de l'introspection...


Et le plaisir de l'avoir.

Le deuxième effet d'émulation collective est celui qui concerne la dynamique du groupe de co-pèlerins que nous croisons sur le chemin et que nous rencontrons le soir à l'auberge. Hier encore, nous avons mangé en compagnie de Diane, une femme canadienne dans nos âges, qui cheminait seule, après avoir fait 5 Camino différents avec ou sans son mari. Malgré sa grande expérience, elle semblait admirative de notre propre chemin. Outre le fait que la conversation se déroulait en anglais ce qui était déjà très agréable, son histoire mêlée à la nôtre générait un plaisir mutuel précieux. Et ce plaisir se renouvelle chaque soir, alors que nous sommes tous dans un état de récupération physique, de repos corporel, bref dans un état de disponibilité mentale et d'ouverture d'esprit maximum.





 Le chemin,
rien de bien extraordinaire
 en somme...

Demain nous allons à Arco o Pino. Courte et facile...


Dernière nouvelle : Anne et sa chienne Ida sont arrivées à Santiago, bon retour à elles...



Anne et Ida devant la basilique de
Santiago


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Jeudi 17 octobre 
 Baamonde - Sobrado dos Monxes

Il nous reste 60 km au compteur et trois étapes!

L'étape d'aujourd'hui a été tristounette pour deux raisons : la première c'est que nous avons avalé de l'asphalte, du goudron et de la route sur 80% de nos 33 km. Au passage, notons que nous avons battu notre record de distance aujourd'hui !

4,64 km heure de moyenne
 avec les horaires sur 33 km.
Ils ont bien marché les pèlerins
La deuxième raison est que nous avons encore essuyé quelques larmes du ciel. 
Je viens de comprendre pourquoi nous sommes quasiment toujours les premiers à l'arrivée dans les auberges. Une grande majorité de pèlerins est espagnole. La plupart des Espagnols adorent aller au café. Nous avons retrouvé nos amis Miguel et José Maria trois fois dans les dernières étapes et à chaque fois ils étaient soit dans un troquet, soit ils s'apprêtaient à y entrer, soit il en sortaient juste.
CQFD !
Il est vrai que Daniel et moi, préférons torcher le plus dur  (l'effort) avant de nous restaurer ou de boire un pot (le réconfort)... Aussi nous consacrons nos matinées et nos débuts d'après-midi à la marche avec de petits arrêts gourde, ponchos, fruits secs. Il ne nous est arrivé qu'une seule fois de manger au restaurant en cours d'étape. Ça ne nous a pas convenu du tout. Et puis, le fait d'arriver dans les auberges tôt nous permet d'expédier les obligations comme la lessive, la toilette, le rangement, le lit.

Ce matin nous avons trouvé
la borne suivante qui marque
légèrement moins de 100 km
 à parcourir.

Dans la série "nouveautés du chemin", en marchant, nous avons rattrapé deux jeunes allemands qui nous avait déjà bien gonflés les oreilles à rire bêtement pendant des heures hier soir dans l'auberge. Nous les rattrapions tranquillement en nous apercevant avec effroi que le plus grand des deux possédait une enceinte bluetooth avec de la musique de jeune (allemand) à fond. Ce grand gamin marchait de façon tout à fait désordonnée, dégingandée et poussait de petits et gros cris comme s'il souffrait du syndrome Gilles de la Tourette. Nous ne sommes pas particulièrement méditatifs mais Daniel et moi en sommes venus très vite à la conclusion qu'il fallait nous décider à passer à une vitesse supérieure afin de les larguer le plus rapidement possible et de continuer à profiter des bruits de Mère Nature...
Ce que nous avons fait illico. Un peu plus loin, se présenta un troquet en pleine campagne, et nous avons parié sur le fait que les gamins s'y engouffreraient. Et nous avons gagné notre pari. Enfin libres !


Un très ancien hórreos à maïs très bien conservé...

Vers la fin de l'étape, nous avons marché au pied d'un champ d'éoliennes. Je ne m'étais jamais approché d'une éolienne d'aussi près et il est vrai qu'une éolienne qui tourne ça fait du bruit. J'avais entendu parler d'un collectif de résidents qui s'opposait à un chantier d'éoliennes près de ses maisons pour ce motif. Maintenant je comprends. C'est assez bruyant, comme une route passante situé à 100 m de chez soi.



À l'assaut du champ d'éoliennes.
Ce soir nous dormons dans un monastère cistercien. L'accueil est spartiate, les lieux sont spartiates, l'ambiance est spartiate, la température de l'air est... arctique. Il n'y a pas d'endroit pour faire sécher ses affaires donc nous avons fait l'impasse sur la lessive d'aujourd'hui. Je fais confiance à mon tour opérateur préféré pour qu'il me trouve une petite auberge confortable avec des infrastructures correctes demain. Mais il est inutile pour moi de me lamenter, car nous avons trouvé un petit resto très bien qui fait un repas pour pèlerins à 10 € dans lequel il y a mes tripes à la galicienne préférées et en plus du pain, du dessert et du vin compris ils ont rajouté le café. Je me pourlèche les babines à l'avance.


L'église Santa Maria
de Sobrado


Accueil 6 par 6 avec sourire d'avril


Ciel gris, cloître gris, dortoir sombre.

Demain nous allons à Arzúa : petit étape mais, au final, il ne reste que des petites étapes...



Petite distance, petit dénivelé.

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Mercredi 16 octobre 
 Vilalba - Baamonde

Il nous reste 100 km au compteur et quatre étapes !
Ça commence à sentir l'écurie... 
Nous piaffons !

 Daniel est parti chercher
 la borne qui le prouvait !


Aujourd'hui, Brouillassou et Crachin ont invité Bruine et Merdouille au grand bal des dégoulinantes... Ils ont dansé ensemble toute la matinée. C'était si charmant que nous en avions les yeux tout humides.
Le côté Celte de la Galice me fait penser à ma Bretagne chérie. Du moins en ce qui concerne la météo.
Ici, à la fin de l'été l'herbe est verte comme aux premiers jours d'avril...

Avant la purée de pois, un bon petit déjeuner dans un troquet proche de l'auberge.

Hier soir, la météo nous a très vite convaincu de rester au chaud et de nous faire la popote. Après une très rapide incursion au supermarché du coin, Chef Daniel a concocté un petit filet de bœuf snacké accompagné d'une poêlée de légumes. C'était délicieux. Nous avons partagé notre bouteille de rouge avec quelques co-pèlerins. De plus, les auberges ayant  toutes allumé leur chauffage, l'ambiance est beaucoup plus chaleureuse.

Les Espagnols aiment le jambon.

Nous ne traversons pratiquement aucun village mais de nombreuses fermes qui ne sont pas toutes entretenues de la même façon. Certaines sont dans un délabrement avancé. Depuis la frontière c'est incroyable ce que nous avons rencontré comme chiens. Visiblement les Espagnols adorent les chiens. Il nous arrive quotidiennement d'en croiser qui promènent deux ou trois chiens en même temps...
Dans les fermes il est rare de croiser des chiens agressifs. Ils ont manifestement l'habitude de voir des pèlerins passer. Plusieurs dizaines par jour au bas mot.
Nous voyons souvent une race particulière de gros chien pataud bruns/roux pacifique à triple mentons  qui nous regarde passer comme les vaches regardent passer les trains.

Nous passons parfois dans des endroits particulièrement négligés
Sur ce Camino galicien nous foulons souvent de nos galoches de très beaux ponts médiévaux auxquels on accède par une chaussée pavée. Ça donne à nos balades un petit côté authentique, un petit parfum "pèlerin" qui n'est pas pour nous déplaire.
Dès que nous nous voyons sur ces ponts, nous nous imaginons en pèlerine de bure, une corde autour des hanches, des sandales de bois aux pieds et un bâton en vrai bois d'arbre à la main !

Magnifique construction occupée par un magnifique spécimen d'Homo pelerinus à tête de liège...

Demain le Camino fait officiellement 42 km, mais il faut croire que quelques pèlerins plus malins que les autres ont cherché une alternative et l'ont trouvée. Nous prendrons donc un second chemin de 32 km qui nous mènera à l'endroit prévu, à Sobrado. Reste une inconnue, nous ne savons pas si ce chemin est balisé.
C'est pourquoi nous avons téléchargé un itinéraire pour faire le moins d'erreurs possible.

De 305 m à 593 m
 voilà un dénivelé
tout à fait acceptable...

Notre chemin plonge maintenant plein sud-ouest vers Santiago. 
Demain, grande étape tout de même. 
Nous fourbissons notre équipement, et vérifions notre avitaillement. Fruits secs, graines, fruits frais, gourdes pleines sont les accompagnements indispensables à des longues étapes. Sinon c'est la porte ouverte aux bobos, courbatures, tendinites et autres petites douleurs.

Riz aux langoustines
  et aux cèpes cueillis
 dans la journée : une tuerie
Ce soir nous avons mangé dans un minuscule restaurant parfaitement exceptionnel. Il nous a guéri de toutes les "patatas fritas" que nous avons trouvées sur le chemin. Un patron amoureux de la bonne tortore, un plat unique fait dans l'après-midi, et deux pèlerins qui rentrent à leur auberge content, repus et ayant  eu un contact humain riche et chaleureux. Nous savions qu'avec un nom pareil nous ne pouvions pas mal tomber : l'établissement se nomme : KM 101  !

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